Prévision de la biodiversité : Notre expérience de stage avec GEO BON

Nous avons récemment effectué un stage de deux mois au sein du Group on Earth Observations Biodiversity Observation Network (GEO BON). Le siège social de l’organisation ayant récemment déménagé à Montréal, nous avons immédiatement voulu faire partie de ce nouveau chapitre en contribuant à un projet aussi passionnant qu’ambitieux : un système d’information intégré sur la biodiversité. GEO BON est actuellement engagé dans le développement de ce système d’information qui permettra, entre autres, d’estimer en temps réel de nombreux indicateurs de biodiversité à l’échelle planétaire. Un autre objectif du système d’information de GEO BON est de faciliter la réalisation de prévisions de la biodiversité dans le cadre de différents scénarios socio-économiques et d’améliorer la probabilité et la précision de ces modèles.

Une fois mis en œuvre, cet outil pourrait s’avérer extrêmement précieux tant pour la communauté scientifique que pour les gestionnaires de l’environnement. Contrairement à notre enthousiasme et notre intérêt pour le projet dans son ensemble, notre contribution devait être limitée (!). Notre rôle, en tant que stagiaires, a été de développer un modèle de prévision des contributions locales de la diversité bêta (LCBD) pour les espèces de parulines à l’échelle régionale. Ce modèle permet de mesurer la spécificité écologique d’un site en termes de composition des espèces. Notre travail a servi de démonstration de faisabilité pour le projet GEO BON et a permis d’identifier les obstacles potentiels en termes de disponibilité des données et de ressources informatiques.

Une paruline (non identifiée, mais identifiable), ignorant tout du travail de modélisation que nous avons effectué sur son taxon.

Les espèces de parulines ont la propriété enviable d’être objectivement belles. Elles constituent un groupe diversifié d’oiseaux colorés en Amérique, ce qui incite les gens à vouloir recueillir des données sur ces espèces. De ce fait, nous disposons d’un grand nombre de données sur leur présence et c’est pourquoi nous avons choisi de modéliser leur distribution dans notre étude. Avant de prédire leur distribution, nous avons d’abord réalisé un modèle de distribution des espèces (ou SDM pour species distribution model) avec des données récentes, afin d’apprendre comment les données environnementales et d’utilisation du territoire influencent la présence actuelle des espèces. Nous avons fait le SDM pour le Québec et la Colombie en raison de leur grande étendue spatiale, mais aussi parce que ces deux endroits représentent des écosystèmes complètement différents avec des impacts anthropiques historiques différents. Les données d’occurrence ont été tirées de la base de données eBird, tandis que les données environnementales (température et précipitations) ont été obtenues à partir de la base de données Chelsa. Les données sur l’utilisation du territoire, quant à elles, ont été tirées du Oak Ridge National Laboratory Distributed Active Archive Center (ORNL DAAC). Nous avons fait des SDMs séparément pour toutes les espèces et dans les deux régions étudiées en utilisant des Bayesian additive regression trees (BARTs). Par la suite, nous avons fait des prévisions de la distribution des espèces pour les années 2050 et 2070 en utilisant les données de prévision des conditions environnementales et d’utilisation du territoire générées par le modèle climatique MIROC et le scénario RCP 6.0. Ces données ont été utilisées comme intrants du modèle précédemment entraîné. Les années ont été sélectionnées uniquement en fonction de la disponibilité des données. Les communautés de parulines ont ensuite été estimées pour chaque cellule en compilant toutes les prédictions monospécifiques (stacked-SDM) pour chaque année étudiée (2020, 2050 et 2070). Enfin, les valeurs de LCBD ont été directement mesurées sur les communautés prédites. Vous pouvez voir nos résultats pour les années 2020 et 2050 ci-dessous.

Valeurs relatives de LCBD au Québec (panneaux supérieurs) et en Colombie (panneaux inférieurs) en 2020 (panneaux de gauche) et en 2050 (panneaux centraux). Les panneaux de droite montrent la différence de LCBD relative entre les deux années.

Nous avons trouvé un fort gradient latitudinal des différences relatives de LCBD entre les deux années au Québec. Alors que les communautés de parulines du sud du Québec devraient devenir moins uniques (par rapport à toutes les communautés de parulines, ou cellules de grille, du Québec), le nord du Québec pourrait abriter des communautés plus uniques dans les années à venir. Nous pensons que cela pourrait être le résultat de la migration des espèces vers des latitudes plus élevées, ainsi que d’une homogénéisation de la composition des espèces dans le sud du Québec. Bien que ce gradient latitudinal ne soit pas apparent en Colombie, nous constatons que les montagnes des Andes abritent généralement plus de communautés uniques pour les deux années considérées, en partie en raison de leur plus grande richesse en espèces par rapport aux régions environnantes.

De manière générale, notre travail est prometteur, car il montre comment différentes sources de données peuvent être combinées pour prédire des indicateurs de biodiversité (ici, la LCBD) à de grandes échelles spatiales, une première étape importante dans le développement du vaste système d’information sur la biodiversité de GEO BON. En prenant du recul, nous pensons que notre stage a été un bon exercice méthodologique pour nous, car il nous a permis de trouver, d’intégrer et de manipuler différents types de données biologiques et environnementales. Il nous a également permis de développer de nouvelles compétences en matière de modélisation, notamment en ce qui concerne les modèles de prévision, que nous n’aurions probablement pas développées dans le cadre de notre parcours universitaire plutôt linéaire.

Ce texte est le premier de deux articles de blog sur notre expérience de stage avec GEO BON. L’article suivant traitera plus en profondeur de notre apprentissage concernant la disponibilité des données. Grâce à cette série d’articles, nous espérons pouvoir susciter votre envie de poursuivre un stage axé sur la science dans un avenir plus ou moins proche ! Ne manquez pas la suite !

Francis Banville, Gabriel Dansereau et Samuel Provencher-Tardif 

Écrit le 25 octobre 2021

Share